Auto-école - Histoire de la profession partie 4

Recyclage et crise du modèle : 1979–1982

À la fin des années 1970, la profession d’enseignant de la conduite entre dans une phase de turbulences. Entre ambitions de professionnalisation, multiplication des structures, faillites spectaculaires et premières expérimentations de recyclage, le modèle en place montre ses limites.

En octobre 1979, un groupe de travail du Conseil Supérieur prévoit l’organisation de stages de recyclage de deux jours pour les enseignants. La première expérimentation a lieu les 11 et 12 décembre dans le Loiret et l’Indre-et-Loire. Parmi les 70 participants, 10 sont salariés, en partie grâce au travail du SNESC. L’événement réunit plusieurs intervenants de renom, comme Maurice Gauge (ONSER), Michel Roche (Prévention Routière), M. Blanchard, et un professeur de sociologie, M. Gefen. L’intervention de Maurice Pissaruk (ADECA) est particulièrement remarquée.

Faillites et fragilités économiques

La vague de faillites s’accélère en 1979 et 1980. Le CER Tour de Bretagne à Nantes dépose le bilan en 1979, suivi en 1980 de l’École de Conduite Française SA Bretagne, fondée par 22 patrons entre Nantes et Brest. Parc de véhicules surdimensionné, charges salariales élevées, publicité tapageuse, pratiques douteuses pour les examens : les causes sont nombreuses. Paul Orveau, l’un des responsables, pointe le manque de coopération entre les créateurs.

Le président de la CSNCRA, Serge Rondeau, identifie deux causes majeures : l’épuisement de la clientèle adulte au profit des jeunes de 18–25 ans, plus touchés par le chômage, et l’augmentation des charges (essence, salaires, véhicules) non compensée par le tarif horaire resté à 66 F. Rondeau met en garde contre une dérégulation des prix qui favoriserait les pratiques déloyales.

Le cas du CERRC, au château des Varennes à Nançay, illustre aussi la fragilité de certains centres. En 1979, 43 stagiaires devaient être financés dans le cadre du Pacte pour l’Emploi, mais seuls 5 répondaient aux critères. Faute d’aides promises, la gérante Mme Bécu doit déposer le bilan.

Diversifications et évolutions réglementaires

Certaines auto-écoles tentent de diversifier leurs activités, comme avec la préparation au permis de chasser, introduit au début des années 80 avec une épreuve audiovisuelle. Rapidement, les amicales de chasseurs reprennent le relais, mettant fin à cette courte expérience.

Le 9 février 1979, le disque « 90 » devient obligatoire pour les nouveaux conducteurs. En juin, les véhicules écoles doivent être équipés d’un indicateur de consommation homologué. En juillet, la TVA à 17,6 % est appliquée à l’enseignement de la conduite. En octobre, la ceinture de sécurité est rendue obligatoire à l’avant, et les clignotants doivent être orange. En décembre 1979, les prix des leçons sont libéralisés : tout service supérieur à 100 F doit faire l’objet d’un reçu.

Réformes structurelles et pédagogiques

La libération des prix de l’enseignement est actée le 28 décembre 1979. Dès 1981, les véhicules mis en circulation après le 15 octobre doivent mesurer leur consommation. L'arrivée massive du diesel rend les économètres obsolètes. Le recours à la location de véhicules devient la norme, facilitant l’ouverture de petites structures.

L’ADECA propose de raccourcir la durée des leçons de 60 à 50 minutes, et d’instaurer deux tarifs selon le type de circulation (urbaine ou hors agglomération).

En 1980, le CAPEC (diplôme régional) remplace le CAPP (départemental). La formation passe de 150 à 300 heures. L’autorisation d’enseigner devient un acte administratif distinct du diplôme. En parallèle, un rapport commandé à M. Garabiol rappelle la nécessité de préserver le libre choix des usagers entre formation traditionnelle et stage.

Syndicats, mouvements et expérimentations

Le SNMAE, affilié à la CNSF "Les Routiers", organise sa première assemblée générale à Bègles. À Chamerolles, le SNEC tient son congrès et amorce une intégration à la FEN. Le projet d’intégration de l’enseignement de la conduite dans l’Éducation nationale s’impose mais se heurte aux intérêts économiques des exploitants.

En 1982, le SNECER-FEN publie un dossier noir sur les conditions de travail et dénonce la location de véhicules via Loc’École. Le 24 juillet, l’UNIDEC est fondée, majoritairement composée de dirigeants ECF. Les ASER, écoles de conduite associatives créées par d’anciens salariés licenciés, apparaissent en parallèle avec une vision plus globale de la formation : mécanique, gestes de survie, sensibilisation à la sécurité routière.

Conflits sociaux et évolution des institutions

En 1982, l’inspecteur du travail intervient au CER Couturier pour atteinte à la liberté syndicale. À Lyon, l’auto-école Marietton réduit ses effectifs pour éviter la création d’un comité d’entreprise. Les inspecteurs du permis de conduire réclament de meilleures conditions de travail. En août, ils doivent traiter 23 candidats par jour au lieu de 21.

Le permis communautaire est instauré par le Conseil des communautés européennes le 4 décembre 1980, avec application prévue pour 1986.

Données chiffrées

• Nombre d’établissements : de 400 en 1939 à plus de 11 000 en 1983, avec un pic à 11 632.
• Épreuves ETG en 1979 : 2 034 296 ; examens pratiques : 2 295 375 ; réussite globale : 52,08 %.
• Permis délivrés en 1979 : 1 324 475 (dont 30 000 B et 40 000 C1 par l’armée).
• Taux de réussite au permis : 30 % en 1971 ; 40 % en 1976 ; 52 % en 1980 ; 54,4 % en 1990 ; 56,37 % en 1998.

🗂️ Tableau récapitulatif des dates clés (1979–1982)