Auto-école - Histoire de la profession partie 2
Histoire de la profession – La première réglementation
L’évolution post-1945 : du rail à la route
Le basculement vers la route
Depuis le début du XXe siècle, la France s’est couverte de lignes de chemin de fer et de tramways, contrairement aux États-Unis qui ont privilégié la route. Ce n’est qu’à partir de 1930 que les camions commencent à supplanter le rail pour le transport des marchandises, entraînant peu à peu la fermeture des lignes secondaires.
En 1939, on dénombre 400 auto-écoles en France, pour 350 000 permis délivrés, dont une grande partie via des présentations individuelles, sans auto-école.
Production mondiale de véhicules
L’industrie automobile explose dans la seconde moitié du XXe siècle. Aux États-Unis, 100 millions de véhicules sont produits jusqu’en 1948. Ce chiffre double en 1962, atteint 400 millions en 1978 — année marquée par 51 900 morts sur les routes américaines — et franchit le demi-milliard de véhicules dans le monde en 1981.
1945 : Première autoroute française
Après la guerre, la reconstruction passe aussi par les infrastructures routières. Le premier tronçon d’autoroute français est mis en service en 1945, reliant le tunnel de Saint-Cloud à Orgeval, sur 20 kilomètres.
Le développement de l’automobile transforme l’enseignement de la conduite en activité rentable. Certains enseignants, dans les années 1950, gagnent davantage que des médecins. Louis Menu devient enseignant à la Libération et fonde la section syndicale des moniteurs du Nord, affiliée à la CSNCRA.
Jalons importants (1950–1963)
La période voit se structurer la sécurité routière et la profession d’enseignant de la conduite :
- En 1950 naît l’association Prévention Routière.
- En 1951 est créée l’UFC Que Choisir.
- En 1954, un centre de formation est ouvert à Montlhéry par la Prévention Routière.
- En 1957, le premier SMUR voit le jour à Salon-de-Provence.
- En 1958, l’assurance responsabilité civile devient obligatoire. La même année, l’ordonnance du 15 décembre réprime la conduite en état alcoolique (l’haleine seule suffit pour verbaliser). On compte alors 600 000 permis délivrés et 3 500 auto-écoles, désormais sous l’œil attentif des services fiscaux.
- Le Brevet de Sécurité Routière (BSR), même s’il n’est mis en œuvre qu’en 1998, est inscrit dans le code dès cette période.
Structuration de la profession
Vers la réglementation officielle
Le Certificat d’Aptitude Professionnelle Pédagogique (CAPP) est défini par un arrêté le 15 décembre 1958. Un cadre plus formel s’installe avec la première réglementation de la profession, datée du 31 août 1959, appliquée en 1960 sans concertation par le ministère de l’Intérieur.
L’arrêté du 17 août 1962 vient compléter les conditions d’exercice. Le 11 juillet 1963, à Paris, un arrêté impose la présence de places de garage pour ouvrir une auto-école.
Conditions de travail en 1963
En 1963, la durée légale hebdomadaire est de 54 heures. Le salaire garanti est fixé à 1 406 francs, et la cotisation à la CSP s’élève à 175 francs par an.
Blocage des prix et tensions économiques
Entre 1963 et 1968, les prix sont bloqués. Une révision tardive des tarifs, couplée à une hausse des charges non compensée à 40 %, entraîne une diminution progressive des revenus des exploitants, selon la CSP.
Malaise dans la profession
En 1966, un livre blanc dénonce la baisse de qualité de l’enseignement. On y rappelle que l’exploitant d’une auto-école n’est pas un commerçant, mais un formateur.
Le statut juridique précisé (Conseil d’État, 1965–1966)
Par deux arrêts des 28 juin et 13 juillet 1965, le Conseil d’État statue : l’exploitant dirige, coordonne et dispense l’enseignement sans tirer profit de l’usage des véhicules, donc son activité n’est pas commerciale au sens fiscal. Cependant, comme tout établissement privé d’enseignement, une auto-école peut bénéficier d’un bail commercial si une partie de l’enseignement a lieu dans ses locaux.
Vers la réforme des années 1970
1967 : Fraudes au CAPP
Des cas de tricherie sont révélés, comme celui du 3 février 1967 où un candidat avait obtenu les sujets d’examen à l’avance grâce à des complicités internes. Il écope de deux mois de prison avec sursis et de 750 francs d’amende. André Guillaume, dans le Rhône, dénonce aussi des pratiques low-cost chez certains collègues.
Déontologie et tensions internes
La CSP cherche à poser les bases d’une doctrine de la conduite, améliorer l’examen, créer un diplôme complémentaire pour les directeurs. Mais l’éducation sur piste, bien qu’expérimentée à Bron par M. Chaumette, est jugée inefficace. La publicité sur les voitures-écoles gêne la circulation. La fiscalité forfaitaire favorise les dissimulations.
Dialogue avec l’État et ouverture
En 1968, dans le climat post-Mai 68, le dialogue avec les pouvoirs publics se renforce. Le 8 novembre, la Convention de Vienne est signée, posant les bases d’une uniformisation des règles de circulation. Elle sera transposée en droit français par arrêté du 1er septembre 1977.
En 1969, le nombre de candidats au permis atteint un million. Le 3 mars 1970, un arrêté est publié à la suite des échanges avec la profession, notamment grâce à la CSP.
Sécurité routière et recherche
En 1970, les constructeurs Peugeot, Renault et Citroën créent le LAB (Laboratoire d'accidentologie et de biomécanique) pour mieux comprendre les accidents et améliorer la sécurité des véhicules.
Réforme du CAPP en 1970
L’arrêté du 10 mars 1970 encadre désormais le diplôme, les locaux (minimum 20 m²), les véhicules utilisés et les modalités d’inscription. Le contenu de l’enseignement, en revanche, n’est pas précisé. Le 13 mars 1970, l’association pédagogique ECF (École de Conduite Française) est fondée par d’anciens membres de la CSP.
1971 : Convention collective et SNEPC
Le 18 mai 1971, une première convention collective est signée entre la CSP, la CSNCRA, le SNMAE et la CFTC. Elle est étendue à toute la profession par arrêté ministériel du 15 octobre 1971. Le même mois est créé le SNEPC (Service National des Examens du Permis de Conduire), dont Jean Forget devient directeur.
Formation continue et BAFM
Le 16 juillet 1971, une loi impose aux entreprises de plus de 10 salariés de financer la formation continue (1 % de la masse salariale). Avant le BAFM, la formation des moniteurs reposait souvent sur le compagnonnage. Des "moniteurs" sans qualification réclamaient parfois des pourboires à la fin des leçons. Le 28 août 1971, un arrêté crée le BAFM (Brevet d’Aptitude à la Formation des Moniteurs).
Tarifs et encadrement local
À Paris, les auto-écoles doivent désormais fermer le dimanche à partir du 2 mai 1972. Le 25 juillet 1972, une circulaire de Jean Forget impose aux inspecteurs de boucler leur ceinture de sécurité, une pratique encore rare.
Répartition inégale en 1972
Les données de 1972 révèlent une répartition inégale : 1 auto-école pour 5 405 habitants dans le Doubs, 1 pour 5 459 dans le Jura, et 1 pour 4 783 en Haute-Saône.
Vers l’ECF
La CSP ne souhaite pas adhérer à l’ECF. M. Delangle propose un groupement fondé sur des affinités pédagogiques, une implantation cohérente et des méthodes communes. Ces bases mèneront à la formation de CESR, puis à la fédération ECF.
Témoignage d’André Guillaume en 1972
À la table ronde de 1972, André Guillaume dénonce un système inéquitable : établissements non conformes protégés, absence d’un vrai tarif national, manque de reconnaissance de la fonction de formateur. Il appelle à repenser la relation avec l’enseignement public.
Restrictions locales et évolution réglementaire
Le 22 juillet 1971, le sous-préfet de Montmorency interdit les manœuvres d’auto-écoles sur certaines voies. À Belfort, en 1971, la CSP construit une salle de code.
Réforme de l’examen théorique (1972)
L’arrêté du 24 décembre 1971 transforme l’examen oral en une épreuve audiovisuelle en salle. L’épreuve pratique passe de 12 à 20 minutes. André Guillaume souligne l’importance de réduire le délai entre les deux épreuves pour ne pas casser la dynamique de formation.
Statistiques et décès marquants
En 1972, la mortalité routière atteint un record : 16 617 morts à 6 jours, soit plus de 20 000 en réalité. Le 30 mars 1973, Pierre Michel, fondateur de la CSPECVM, décède.
Codification des fautes (1973)
Le 6 avril 1973, l’instruction n°420 du SNEPC codifie officiellement les fautes éliminatoires à l’examen pratique.
Tensions fiscales
Le 17 février 1973, la CSP demande l’exonération de la vignette fiscale pour les véhicules-écoles. Refus du ministère des finances, qui refuse aussi la revalorisation des tarifs, estimés 25 % en dessous des autres secteurs.
Conduite 73 : opération ratée
En mai 1973, la CSP, la CSNCRA et la Prévention Routière lancent "Conduite 73", une opération gratuite pour sensibiliser les titulaires du permis à la sécurité routière. Faute de mobilisation, l’opération échoue : le public ne se sent pas concerné.
Formation aux gestes d’urgence
Le 28 novembre 1974, le CISR décide de créer une attestation aux gestes de survie pour les candidats au permis. Un décret et un arrêté en 1977 et 1978 encadrent cette mesure, mais elle ne sera jamais rendue obligatoire. Le manque de recyclage nuit à son efficacité potentielle.
🗂️ Tableau récapitulatif des dates clés (1945–1974)
Date | Événement |
---|---|
1945 | 1re autoroute entre St-Cloud et Orgeval |
1950 | Naissance de Prévention Routière |
1951 | Création de l’UFC Que Choisir |
1954 | Centre de formation PR à Montlhéry |
1957 | Création du 1er SMUR |
1958 | Assurance RC obligatoire + Ordonnance alcool |
1958 | Définition du CAPP |
1959 | 1re réglementation officielle de la profession |
1960 | Application par le ministère (sans concertation) |
1962 | Conditions d’exercice précisées |
1963 | Garage obligatoire pour les auto-écoles à Paris |
1966 | Publication d’un livre blanc critique |
1967 | Fraudes à l’examen du CAPP |
1968 | Signature de la Convention de Vienne |
1969 | 1 million de candidats au permis |
1970 | Réforme du CAPP + création de l’ECF |
1971 | 1re convention collective + création du SNEPC |
1971 | Création du BAFM |
1972 | Réforme de l’examen théorique |
1972 | Circulaire Forget sur la ceinture de sécurité |
1972 | Opération Conduite 73 (échec) |
1973 | Codification des fautes éliminatoires |
1974 | Décision de créer l’attestation gestes d’urgence |