Auto-école - Histoire de la profession partie 6
Histoire de la profession - Evolution de la formation et de la profession d'enseignant
Évolution de la formation et de la profession d'enseignant de la conduite (1990–2001)
Une profession en transformation
En 1990, la France compte 11 138 établissements d’enseignement de la conduite. 63 % d’entre eux n’ont aucun salarié, et seulement 3 449 ont entre 1 et 4 salariés. Le secteur est morcelé et fragile. La généralisation du Programme National de Formation (PNF) impose un recyclage pour tous les enseignants : initialement prévu sur 4 jours, il est ramené à 3 après des essais peu convaincants. Le syndicat CSNCRA soutient le principe d’un maintien du salaire, mais refuse de l’inscrire dans la convention collective. 56 BAFM sont mobilisés à Nevers et Paris pour finaliser le Guide pour la formation des automobilistes (GFA) et préparer ce recyclage.
Une nouvelle réglementation de l’enseignement
Le livret d’apprentissage devient obligatoire. Toute leçon de conduite, gratuite ou payante, doit être effectuée dans un véhicule à double commande, selon le décret du 23 octobre 1990 et l'arrêté du 14 décembre 1990. L’enseignement (AAC comme traditionnel) doit être conforme aux objectifs du PNF. Toutefois, cette conformité reste floue car le GFA, seul document d'accompagnement, n’a pas de valeur légale.
L’arrêté du 5 mars 1991 remplace celui de 1970 :
- Il autorise la création de cabinets avec plusieurs exploitants, à condition de disposer d’au moins 50 m².
- Il introduit un contrôle pédagogique des établissements, avec possibilité de retrait d’agrément si les résultats sont insuffisants.
- Une évaluation des candidats avant l’entrée en formation est requise, ainsi qu’un contrat obligatoire avec l’élève.
Outils et publications
Deux ouvrages majeurs sont publiés :
- Le "Guide pour la formation des automobilistes", pour aider les enseignants à utiliser le livret d’apprentissage.
- Le "Guide du conseiller évaluateur", destiné aux inspecteurs.
Les contrôles pédagogiques deviennent des "suivis d’enseignement" (circulaire du 10 octobre 1991). Un agrément provisoire peut être accordé en cas de reprise d’établissement ou si la CDSR ne peut être réunie dans les 15 jours (circulaire du 5 mars 1991). En 1994, une nouvelle circulaire limite cette possibilité aux seules reprises, en raison d’une dégradation constatée des prestations.
Déclin de l’ADECA et mutation syndicale
L’ADECA passe de 536 adhérents en 1986 à seulement 54 en 2002. En 1991, le nombre de candidats libres est estimé à 3 %, mais il tombe à moins de 1 % après l'application des arrêtés de 1991.
En parallèle, les syndicats se réorganisent : le SNECER naît le 15 avril 1990. En 1993, Philippe Baptiste en devient le secrétaire général. Il sera remplacé par Jean Chanois en 1995. Ce syndicat prend de l’importance, notamment dans la représentation professionnelle et les élections au Conseil Supérieur.
Marché, presse professionnelle et bouleversements industriels
En 1993, Rousseau présente un simulateur 3 écrans. Louis Rousseau décède la même année. L’univers de la presse spécialisée évolue :
- "La Tribune des auto-écoles" est lancée par Bertelsmann en 1994.
- Inter-Auto-Écoles s'effondre.
- Bertelsmann rachète SECA Rousseau, mais doit céder EDISER à CARAÏDE après un procès pour position dominante.
- CARAÏDE fusionne avec EDISER, puis cède l’ensemble à un salarié.
ECOLAUTO, affaiblie par cette bataille, dépose le bilan. Une partie du personnel licencié par Bertelsmann fonde l’ENPC à Nantes.
Réforme pédagogique et pédagogie par objectifs
Le PNF, élaboré dès 1989 et appliqué à partir de 1992, impose une pédagogie par objectifs. Rédigé selon les catégories cognitives, psychomotrices et affectives, il reste très behavioriste : il privilégie la mémorisation de règles plutôt que la construction de compétences.
L’enseignement devient fragmenté, contraint par des micro-objectifs peu adaptés à la réalité du terrain. Les enseignants, jusqu’ici pragmatiques, doivent suivre des consignes strictes, souvent inefficaces. Cela engendre tensions, blocages et malaise. Le vocabulaire devient normé : "objectif de ce cours...", "évaluation des acquis...". Beaucoup résistent en conservant leurs pratiques traditionnelles. Les réformes sont davantage de surface que de fond.
Michel Roche, dès 1978, plaidait déjà pour une réforme profonde : formation collective, livret de suivi, stages intensifs, motivation et intelligence du conducteur débutant. Il dénonçait une relation client-enseignant déséquilibrée et une pédagogie trop centrée sur la réussite rapide à l’examen.
Nouvelles obligations réglementaires
L’arrêté du 28 novembre 1994 impose un minimum de 20 heures de formation initiale pour la catégorie B. Cette règle a un effet pervers : elle devient un maximum dans certaines pratiques commerciales. Une leçon de conduite ne peut excéder 2 heures consécutives.
Tensions sociales et grèves
De 1995 à 1996, la profession vit une crise : suicides de chefs d’entreprise, grèves d’inspecteurs, agressions, démoralisation générale. En octobre 1995, les inspecteurs se mettent en grève. Ils dénoncent leur manque de reconnaissance, l’absence de perspectives de carrière et un encadrement défaillant. Certains risquent de rester toute leur vie en troisième classe, avec un salaire plafonné à 11 000 F.
Évolution du permis et du métier
En 1996, le permis B autorise la conduite des 125 cm³ à partir du 1er juillet. L’âge pour le permis AL est abaissé à 16 ans. Des expérimentations de boîtiers électroniques de réponse sont lancées pour moderniser l’ETG.
Politiques de sécurité routière et réformes
Le CISR du 26 novembre 1997 lance des mesures pour moraliser la profession. En 1998, Jean-Claude Gayssot promet de diviser par deux les morts sur la route. Le SNECER-FEN pousse à une réforme de l’agrément et à une formation continue obligatoire. Il obtient la reconnaissance de sa représentativité par le Conseil d’État en 1997 et adhère à la convention collective de l’automobile.
La loi de 1999 restreint l’ouverture d’établissements aux enseignants expérimentés et formés à la gestion. L’agrément est renouvelable tous les 5 ans. Un registre national des enseignants et établissements est créé. Les associations d’insertion reçoivent un statut particulier.
Le tournant des années 2000
Le service des examens est déconcentré par circulaire du 22 février 2000, provoquant l’opposition des inspecteurs FO. Des incidents graves surviennent, dont une agression à l’arme à Melun.
Le Code de la route est entièrement refondu (publication au JO en sept. 2000 et mars 2001). Le décret du 24 octobre 2000 prévoit une formation spécifique pour les jeunes conducteurs condamnés. Le décret du 27 août 2001 impose un dépistage de stupéfiants en cas d’accident mortel.
Le CNSR est créé le 28 août 2001. Il propose, étudie et évalue les politiques de sécurité routière.
Tableau synthétique des événements marquants (1990-2001)
Date | Description événement |
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15 avr. 1990 | Création du syndicat Formation & Sécurité - SNECER |
1er déc. 1990 | Vitesse limitée à 50 km/h en agglomération |
23 oct. / 14 déc. 90 | Véhicule à double commande obligatoire |
5 mars 1991 | Nouveau décret : contrôle pédagogique, contrat obligatoire |
10 oct. 1991 | Contrôle devient suivi d’enseignement |
1993 | Simulateur Rousseau, décès de Louis Rousseau |
1994 | 20h mini formation B / max 2h par leçon |
1995 | Crise du secteur, grèves, colloque européen |
1996 | Permis B autorise 125 cm³, suicide d’un patron |
26 nov. 1997 | CISR moralise la profession |
17 janv. 1997 | SNECER-FEN reconnu représentatif |
18 juin 1999 | Loi sécurité routière et réforme de l’agrément |
22 fév. 2000 | Déconcentration du service des examens |
24 sept. 2000 | Nouvelle version du Code de la route |
27 août 2001 | Dépistage obligatoire après accident mortel |
28 août 2001 | Création du Conseil National de la Sécurité Routière (CNSR) |